Introduction :
Deux codes concernent principalement le droit pénal : le Code pénal et le Code de procédure pénale. Le premier recense les différentes infractions, les définit et précise la peine dont elles sont assorties. Le second pose les règles de procédures qui peuvent varier en fonction du type d’infraction (la procédure n’est pas la même pour un délit ou un crime par exemple) ou de choix stratégiques de la partie civile (c’est-à-dire la victime).
–> voir également notre schéma sur la procédure suite à une plainte
I. Le dépôt de plainte
Le dépôt de plainte – Tout ce qu’il faut savoir
Vous pouvez déposer une main courante auprès des services de police (commissariat) ou un procès-verbal de renseignement judiciaire auprès de la gendarmerie. Au commissariat, la main courante n’entraîne pas automatiquement une enquête judiciaire. En gendarmerie en revanche, les informations contenues dans votre main courante font l’objet d’une transmission au procureur de la République et une enquête peut être ouverte.
Pour déposer une plainte pénale, plusieurs voies sont possibles :
1/ Vous pouvez vous rendre directement dans un commissariat ou une gendarmerie et demander à déposer plainte. Vous serez d’abord reçu·e par l’agent·e d’accueil, présent·e pour filtrer les demandes du public. Si vous voulez déposer plainte pour des faits de violence survenus lorsque vous étiez mineur·e, vous serez alors redirigé·e vers la « brigade des mineur·es ». Pour des faits survenus à l’âge adulte, vous serez auditionné·e par un·e agent·e de la « brigade des mœurs ».
2/ Depuis deux ans environ, des dispositifs améliorent les chances d’être « bien reçu·e » :
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Possibilité de passer par une plateforme de signalement en ligne, où vous pourrez tchatter avec des policier·es formé·es dans l’accueil des femmes victimes de violences sexuelles. Si vous êtes déterminé·e à déposer plainte, ils ou elles vous orienteront vers des policier·es également formé.es, au sein du commissariat ou de la gendarmerie compétente, pour recevoir votre plainte. Voici la plateforme : https://www.service-public.fr/cmi
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Vous pouvez également vous adresser aux intervenant·es sociales de la police ou de la gendarmerie – par exemple, l’ASFAD répertorie ces personnes ici (voir à la moitié de la page) : https://www.asfad.fr/prevention-des-violences-conjugales-et-intrafamiliales/service-prevention- violence/ – sur Saint-Malo, AIS35 donne les infos ici : https://www.ais35.fr/wp- content/uploads/2022/07/ISCG-presentation-poste-CLS.pdf
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Des femmes victimes ayant récemment déposé plainte au commissariat central de Rennes ont témoigné du dis- positif « code orange » > Quand vous arrivez à l’accueil de l’Hôtel de Police, on vous demande de « pointer » le motif de notre visite en montrant du doigt le code couleur correspondant. Le rond orange mentionne : violence sexuelle, sexiste, conjugale. Vous êtes lors redirigée dans une autre pièce, et une personne formée vous reçoit.
3/ Une dernière possibilité est d’écrire directement votre plainte au procureur de la République, qui se chargera de désigner un·e enquêteur·ice et donc normalement la personne la plus apte à vous recevoir en fonction des violences dont vous avez été victime.
Le conseil PLD est le suivant : s’il est possible pour vous, en étant bien préparé.e et accompagné.e d’aller déposer plainte en direct, mieux vaut choisir cette voie « classique » de dépôt de plainte car écrire au procureur fait perdre du temps.
Si votre action est bientôt prescrite, c’est déconseillé car le dépôt de plainte n’interrompt pas la prescription. Il faut un acte d’enquête pour l’interrompre.
Le courrier au procureur est à privilégier pour des situations relativement exceptionnelles : forte complexité des situations de violence (violences enchevêtrées), survenance des violences sur une période très longue ; impossibilité physique et psychique de se rendre en bureau de police ou commissariat.
Pour l’audition qui donnera lieu à votre dépôt de plainte, sachez que vous avez le droit :
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de venir accompagné.e d’une personne de votre choix qui devrait pouvoir rester le temps de l’audition mais qui ne pourra pas parler
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de venir avec des notes que vous avez prises pour vous rappeler la chronologie s’il est difficile de vous rappeler certains éléments
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d’avoir préalablement constitué votre « dossier », c’est-à-dire collecté les attestations de témoins, les preuves de vos démarches, le nom et contact des autres victimes si elles sont d’accord, etc.
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de demander à faire des pauses
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de refuser de répondre à certaines questions qui vous choquent
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d’obtenir une copie de votre plainte à la fin. Souvent, on est très fatigué.e en terminant et on ne prend pas bien le temps de relire ses déclarations mais pourtant c’est très important afin que vos propos soient fidèlement retranscrits.
Aucun motif ne peut être avancé pour refuser un dépôt de plainte. C’est un droit. On peut chercher à vous en dissuader mais c’est illégal (Article 15-3 du Code de procédure pénale).
S’il y a entorse au dépôt de plainte, n’hésitez pas à le mentionner à des associations de soutien d’aide aux victimes pour qu’elles le fassent remonter au procureur.
Par ailleurs, les policier·es s’autorisent parfois à « méqualifier » les faits (il.elles les qualifient avec une autre qualification pénale que celle que les faits devraient avoir) ou à vous signifier qu’ils sont prescrits. Or, même si les faits sont prescrits, vous pouvez tout à fait déposer plainte et personne ne peut vous refuser ce droit.
Si l’accueil qui vous est réservé ne vous paraît pas convenable, n’hésitez pas à mettre un terme au dépôt de plainte.
L’imaginaire collectif projette sur les victimes un ensemble d’attendu. Une « bonne » victime n’est ni trop prise par ses émotions et débordante (au risque d’être accusée de folie), ni trop distante et froide (il faut quand même pleurer un peu). Aucune victime ne correspond à ces stéréotypes. Ne vous préoccupez pas de ce que vous renvoyez car quoiqu’il en soit vous ne serez jamais la « parfaite » victime. Acceptez votre propre état émotionnel, celui qui vous permet d’être le.la plus en phase avec ce que vous ressentez, et qui vous permet un témoignage spontané.
II. Les différentes formes d’enquête
Le procureur qui reçoit la plainte dispose de « l’opportunité des poursuites », c’est à dire qu’il a plusieurs options :
1. Il peut décider de classer sans suite, parfois avant même d’avoir diligenté une enquête (Voir A)
2. Il peut diligenter une enquête dénommée « enquête préliminaire » confiée à un commissariat ou une gendarmerie (Voir B)
3. En cas de crime (et donc en cas de viol), il peut demander l’ouverture d’une «information judiciaire» c’est-à-dire confier l’enquête à un juge d’instruction (Voir C).
4. A la fin de l’enquête, le procureur peut décider d’une alternative aux poursuites. En général, il classe l’affaire après avoir rappelé l’agresseur à la loi (« rappel à la loi »).
A) Classement sans suite et « recours »
Il faut savoir qu’en France, 80% des plaintes, toutes infractions confondues, sont classées sans suite.
Si votre plainte est classée sans suite par le procureur de la République, vous pouvez :
• Faire appel de la décision devant le procureur général près la Cour d’appel dans un délai de deux mois à compter du classement sans suite ;
• Déposer une plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance (pour un tel recours, il est préférable de prendre contact avec un.e avocat.e).
• Citer directement l’agresseur devant le tribunal correctionnel (pour une telle procédure, il est nécessaire d’avoir beaucoup de preuves et de prendre impérativement contact avec un.e avocat.e). Cette procédure n’est en outre pas possible en cas de viol, puisqu’elle est réservée aux délits.
Si vos revenus sont insuffisants, vous pouvez demander l’aide juridictionnelle totale ou partielle auprès du tribunal de Grande Instance. Renseignez-vous préalablement auprès de votre assurance habitation ou bancaire, vous bénéficiez peut-être d’une protection juridique.
B) L’enquête préliminaire
Une fois que l’on a déposé plainte, c’est une enquête préliminaire qui s’ouvre, sous la direction du·de la procureur·e de la République.
L’enquête a lieu dans la circonscription où l’infraction a été commise. Toutefois, si la victime habite loin du lieu d’infraction (et si elle était mineure pendant les faits), le procureur peut mandater un officier de police judiciaire du département de résidence de la victime pour mener les investigations. C’est également parfois le lieu de résidence du mis en cause qui détermine la compétence du service d’enquête.
Il est, à certaines conditions, possible de demander un dépaysement de l’enquête préliminaire auprès du procureur : si le dossier est « polémique » au sens où il met en jeu des intérêts politiques (si l’accusé est par exemple quelqu’un de connu, si l’affaire est sensible sur le plan politique ou si la désignation de tel·les officier·es de police révèle un conflit d’intérêt (des policiers éventuellement très proche de la victime ou de l’accusé)). Mais le critère de dépaysement est relatif : il est autorisé quand il jugé est indispensable à « une bonne administration de la justice ».
Lors de l’enquête préliminaire, il est probable que la police demande que vous soyez reçue par :
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un médecin légiste
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un expert-psychiatre ou un expert-psychologue
Si vous avez un dossier médical en lien avec les violences sexuelles que vous avez subies, vous pouvez en remettre une copie à la police (vous avez accès à vos dossiers médicaux en écrivant à vos différents praticiens qui vous enverront une copie).
Par ailleurs, il est fréquent que la police cherche à auditionner les personnes qui faisaient partie de votre entourage au moment des violences (famille, ami.es, etc), et qui ont pu constater une modification de votre comportement, une dégradation de votre état de santé ou à qui vous vous êtes confiées.
Ils vont également vous demander de leur rapporter toutes les preuves matérielles que vous avez tels que textos, mails, messages sur les réseaux échangés avec l’agresseur, etc.
Il arrive que, si l’agresseur donne une toute autre version que la plaignante, la police procède à une confrontation. Il ne faut pas s’inquiéter avec ce terme. Vous ne serez pas mis face à face mais plutôt dos à dos, ou assis à côté avec vos avocat·es respectives au milieu.
Durant l’enquête préliminaire, vous n’avez pas droit à l’assistance d’un.e avocat.e lors de vos auditions et aucune disposition n’est prévue pour que vous puissiez avoir l’assistance d’un·e avocat·e payé·e par l’aide juridictionnelle. Vous y avez droit lors de la confrontation, que l’agresseur soit en garde à vue ou entendu libre et qu’il soit lui-même assisté par un avocat ou pas. L’avocate peut alors être rémunéré·e par l’aide juridictionnelle (il faudra déposer un dossier de demande d’AJ).
A la fin de l’enquête préliminaire, l’ensemble des procès-verbaux est transmis au procureur pour qu’il décide s’il engage des poursuites contre l’agresseur ou s’il rend un classement sans suite.
Vous n’aurez accès aux procès verbaux de l’enquête (auditions des témoins, expertises psychiatriques, etc) qu’après la décision du procureur.
S’il classe l’affaire, il faut commander auprès de lui le dossier pénal. Si vous avez un.e avocat.e et que c’est elle/lui qui commande le dossier, en principe, vous ne pourrez pas en avoir une copie et pourrez seulement le consulter à son cabinet. Nous vous conseillons donc de vous procurer vous-même le dossier pénal avant de mandater un.e avocat.e. Si le procureur poursuit l’agresseur devant le tribunal, vous pourrez prendre connaissance du dossier pénal directement au greffe pénal du tribunal correctionnel, faire une demande de copie du dossier ou le consulter au cabinet de votre avocat.e.
En matière criminelle, donc en cas de viol, si le procureur considère qu’il y a suffisamment d’éléments à charge, il demande l’ouverture d’une « information judiciaire » et confie la poursuite de l’enquête à un juge d’instruction. En effet, le procureur ne peut, sans l’avis d’un juge d’instruction, renvoyer un violeur devant une Cour d’assises ou dorénavant devant une Cour criminelle départementale.
En revanche, le ou la juge d’instruction peut outrepasser l’avis du procureur de la République.
C) L’instruction
Le-la juge d’instruction est saisi.e, soit par le procureur qui estime qu’il y a des charges importantes contre l’agresseur et qu’il est susceptible d’être renvoyé devant une Cour d’assises, soit par la victime elle-même qui engage une nouvelle procédure après le classement sans suite de sa plainte.
Pour cela, vous devez adresser une (nouvelle) plainte « avec constitution de partie civile » au Doyen des juges d’instruction du Tribunal de grande instance du lieu de commission de l’infraction.
Il vous faudra verser une « consignation », déterminée en fonction de vos revenus. Il s’agit d’une somme censée couvrir les frais de la procédure. Si vous avez droit à l’aide juridictionnelle, vous êtes dispensée du paiement de cette consignation.
Il est fortement recommandé d’avoir un.e avocat.e pendant l’instruction. De préférence compétent.e et investi.e dans votre dossier.
Il faut savoir qu’une instruction, selon que l’agresseur reconnaît les violences ou pas et selon l’encombrement des cabinets de juges d’instruction, dure en moyenne 3 ans.
Le juge d’instruction est un juge indépendant (contrairement au procureur qui dépend du ministère de la justice) qui mène une enquête appelée « instruction ».
Votre avocat.e aura dans ce cas constamment accès à toutes les pièces du dossier pénal et pourra/devra vous informer de ce qu’elles contiennent.
Le juge d’instruction entend toujours au moins une fois la victime et l’agresseur, peut ordonner des mesures d’expertise judiciaire (expert psychologue, psychiatre, médical…), entendre les témoins, organiser une confrontation entre l’agresseur et vous, vous confrontez ou confronter l’agresseur aux témoins, etc.
Votre avocat.e vous assiste pendant les auditions et confrontations et les avocat.e.s peuvent faire des demandes d’actes à tout moment (demande d’audition de témoins, de perquisition…). Le juge d’instruction refuse ou accepte les demandes en rendant des « ordonnances ».
Toutes les ordonnances (à l’exception de l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel) du juge d’instruction peuvent faire l’objet d’un recours devant la chambre d’instruction (la Cour d’appel des juges d’instruction) dans les 5 jours qui suivent.
La chambre d’instruction peut faire droit à la demande qui avait été refusée par le juge d’instruction.
Les ordonnances dont vous ne pourrez pas faire appel en temps que victime sont les mesures concernant la détention provisoire ou le contrôle judiciaire de l’agresseur.
Lorsque le juge d’instruction estime avoir terminé son enquête, il écrit à toutes les parties pour indiquer qu’il met en œuvre « l’article 175 du Code de procédure pénale ».
Cela signifie que l’agresseur et la victime ont trois mois pour faire des observations sur les éventuels manquements de l’instruction et donc demander des actes supplémentaires (si l’agresseur est en détention provisoire, les parties n’ont qu’un mois pour faire des observations). La victime peut à ce moment-là contester la qualification juridique donnée par le.la juge d’instruction aux agissements pour lesquels l’agresseur a été mis en examen (Exemple : demander la mise en examen pour viol alors que le.la juge d’instruction l’avait mis en examen pour agression sexuelle).
Pendant ces trois mois (ce délai n’est pas impératif pour lui), le procureur rend ses réquisitions, soit de mise en accusation, soit de non lieu. La victime et l’agresseur ont ensuite un mois pour répondre aux réquisitions du procureur (10 jours en cas de détention provisoire de l’agresseur).
Une fois toutes ces demandes d’actes, réquisitions, observations terminées, le juge d’instruction rend une « ordonnance de règlement » c’est à dire soit une ordonnance de mise en accusation devant la Cour d’assises, soit une ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel soit une ordonnance de non lieu.
Ces ordonnances, sauf celle qui ordonne le renvoi de l’agresseur devant le tribunal correctionnel , sont contestables dans les 5 jours devant la chambre d’instruction par les deux parties.
La Chambre de l’instruction peut entièrement réformer l’ordonnance c’est-à-dire par exemple ordonner la mise en accusation devant une Cour d’Assises alors que le juge d’instruction avait rendu un non-lieu. Il peut également ordonner des actes d’enquête supplémentaires.
L’ordonnance rendue par la chambre de l’instruction peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans les 5 jours. La Cour de cassation ne peut pas se prononcer sur le fond du dossier mais seulement vérifier que le droit et la procédure pénale ont été respectés.
III. Le procès
Alors que le temps de l’enquête ou de l’instruction, la victime a un rôle de témoin, elle pourra être « partie civile » devant le tribunal correctionnel ou la Cour d’assises, c’est-à-dire demander réparation de son préjudice (demande de dommages-intérêts).
A° Le tribunal correctionnel
Vous êtes convoquée (« avis d’audience ») par courrier quelques semaines ou mois avant la date de l’audience ou par convocation remise par un officier de police judiciaire. Il est indiqué sur cet avis pour quelle(s) infraction(s) l’agresseur est renvoyé devant le tribunal et les faits retenus par le procureur pour caractériser cette infraction.
Il est nettement préférable d’être présente à l’audience et d’être assistée par un.e avocat.e, notamment si l’infraction retenue n’est pas celle qui correspond aux faits dénoncés (ex : une main sur les fesses, qui est une agression sexuelle, est qualifiée de harcèlement sexuel). Ce sera le rôle de votre avocat.e de contester devant le tribunal la qualification retenue.
Le jour de l’audience, ce sont trois magistrats qui jugent. Le ou la président.e ou un.e autre juge appelé « conseiller rapporteur » fait un résumé de la procédure. Ensuite, si la victime ou l’agresseur a fait citer des témoins, ils et elles sont entendu.es, le mis en cause est interrogé, la victime peut-être amenée à relater à nouveau les violences ou être interrogée sur certains points.
Puis viennent les plaidoiries : la « partie civile » parle en premier et peut demander des dommages-intérêts, le procureur rend ensuite ses réquisitions, c’est-à-dire la peine qu’il demande à l’encontre de l’agresseur puis la défense plaide en dernier.
La décision est rendue soit le jour même, soit à une date fixée par le tribunal. On dit alors qu’elle est « mise en délibéré ».
B° La Cour d’assises
La Cour d’assises juge des crimes c’est-à-dire de toutes les infractions sanctionnées de plus de 10 ans d’emprisonnement. C’est donc normalement (voir focus sur la correctionnalisation des viols) le tribunal de droit commun des violeurs qui encourent au minimum 15 ans d’emprisonnement.
Mais depuis janvier 2023, tous les crimes pour lesquels les accusés encourent jusqu’à 20 ans de prison, sont jugés devant les Cours criminelles départementales, où il n’y a pas de jurés mais cinq magistrat.es professionnelles. Cela concerne la majorité des personnes jugées pour viols en France.
La procédure qui s’applique devant ces Cours criminelles est sensiblement la même que devant la Cour d’assises.
La Cour d’assises n’a pas d’existence fixe. Le-la président.e de la Cour, qui reçoit les ordonnances de mise accusation devant la Cour d’assises de la part des magistrats de l’instruction, prononce l’ouverture de « sessions d’assises » qui vont siéger dans la Cour d’appel pour un temps déterminé. Il ou elle prévoit ainsi pour chaque affaire un nombre de jours nécessaires en fonction de la complexité du dossier, du nombre d’accusés et/ou du nombre de victimes concernées.
La cour d’assises se compose de « la cour » (trois magistrats professionnels) et d’un jury composé de six jurés (en première instance) ou de neuf jurés (en appel). Les jurés sont tirés au sort parmi les citoyen.nes à partir des listes électorales. Le tirage au sort est fait pour une session de plusieurs semaines qui peut donc comprendre le jugement de plusieurs affaires.
Sont donc obligatoirement présents, les trois magistrats professionnels dont un.e est président.e, les six ou neuf jurés ainsi que le ministère public (le procureur) qui prend le nom d’avocat.e général.e. Il y a également l’accusé obligatoirement assisté d’un.e avocat.e. Si au moment du procès, il est en détention provisoire, il sera dans un box derrière une vitre, flanqué de policiers de chaque côté.
Si l’accusé est en fuite, il est uniquement jugé par la Cour, sans jury populaire. On parle alors de « défaut criminel » (on disait autrefois « par contumace »).
Il y aura en général la victime et son avocat.e mais sa présence n’est pas obligatoire. Elle pourra être simplement appelée à témoigner à la barre si elle ne souhaite pas se constituer partie civile et ainsi obtenir des dommages-intérêts.
Il y a enfin le public et souvent des journalistes. A l’ouverture du procès, il est possible pour la victime de demander le huis clos de l’affaire, permettant qu’il n’y ait pas de public : le huis-clos est de droit si la partie civile est mineure et en général accepté pour les majeures dès lors qu’il s’agit de faits de viols.
Le déroulement du procès est le suivant :
Au début de la session, le-la présidente procède au tirage au sort des jurés qui vont rester pour le procès, parmi les 35 prévus initialement pour toute la session. L’avocat.e de la défense et l’avocat.e général.e ont connaissance de l’âge, du métier et du sexe de chaque juré. Au fur et à mesure que les jurés sont tirés au sort, la défense peut en récuser quatre et l’avocat.e général.e trois. La partie civile ne dispose pas du droit de récusation des jurés.
Une fois les six jurés installés, le procès peut commencer. Le-la président.e organise en premier lieu les ordres de passage des témoins appelés à témoigner à la barre.
Ensuite, le-la président.e fait un « rapport » de l’affaire, c’est-à-dire expose aux jurés l’ensemble des agissements pour lesquels l’accusé est jugé, les différents actes et constatations qui ont été effectués pendant l’enquête.
Seuls les magistrats professionnels ont accès au dossier pénal, c’est-à-dire aux écrits (procès-verbaux d’auditions, de confrontation, mémoires des différents avocat.es), photos, vidéos, expertises contenues dans la procédure. De ce fait, il faut en quelque sorte jouer l’enquête devant eux.
Sont donc appelés à témoigner à la barre les un.es après les autres, les policiers qui ont été en charge de l’enquête mais aussi les expert.es judiciaires, psychologues, psychiatres, médecins, gynécologues qui ont procédé à des expertises. En règle générale, les proches de la victime et de l’accusé sont également appelés.
Le-la présidente, qui a accès à toute la procédure écrite, mène les débats, assure la police de l’audience, décide des ordres de passage des témoins, leur pose des questions pour éclairer les jurés, interroge l’accusé quand il veut : au milieu, avant ou après les témoignages, questionne la partie civile à tout moment ou encore peut lire une pièce de la procédure à haute voix, sans jamais que les jurés ne puissent en prendre connaissance d’eux-mêmes.
Sa manière de présider et de mener l’audience, sa personnalité, influence énormément la tonalité des débats et varie donc d’une session d’assises à l’autre.
A la fin des débats, viennent les plaidoiries de toutes les parties. C’est d’abord l’avocat de la partie civile qui plaide puis l’avocat.e général.e qui prend ses réquisitions c’est-à-dire requiert une peine ou l’acquittement de l’accusé. Enfin, la défense à la parole en dernier.
Le président clôt ensuite les débats puis fait lecture aux jurés de l’article 353 du Code de procédure pénale :
« Sous réserve de l’exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ?»
La séance est suspendue durant le temps du délibéré qui peut durer plusieurs heures.
Lorsque l’audience est rouverte, le délibéré est rendu sur la culpabilité et sur la peine ou sur l’acquittement de l’accusé.
Une fois le sort pénal de l’accusé prononcé, les jurés se retirent et les débats peuvent être rouverts, à la demande la partie civile, sur les seuls intérêts civils, devant les trois magistrats professionnels. C’est le moment où la victime peut demander des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 372 du code de procédure pénale et ce même si l’accusé a été acquitté.