Un tableau et des explications pour s’y retrouver
La prescription en matière pénale désigne la date à partir de laquelle il n’est plus possible de poursuivre et condamner une personne suspectée d’une infraction.
Le droit considère en effet que tout délinquant doit bénéficier d’un droit à l’oubli s’il n’a pas été jugé avant un certain délai, appelé « délai de prescription ».
En matière d’agressions sexuelles et de viols, de nombreux changements législatifs ces 15 dernières années ont constamment augmenté ces délais, notamment pour les victimes mineures. Il n’est pas simple, même pour les juristes, de s’y retrouver.
Pour calculer si une action pénale est encore possible contre un agresseur sexuel (savoir si elle n’est pas encore « prescrite »), la règle est -censée- être simple :
Si au jour d’entrée en vigueur de la loi qui augmente le délai de prescription, la victime pouvait encore déposer plainte (délai de prescription toujours en cours),
alors la nouvelle loi s’applique à sa situation et elle bénéficie de l’allongement du délai de prescription.
Il est ainsi nécessaire de disposer de quatre informations :
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la date de naissance de la victime (afin de connaître la date de la majorité pour les mineur.es)
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la date des violences sexuelles (afin de connaître quel délai de prescription s’appliquait le jour où l’infraction a été commise)
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la date de la plainte pénale (si la victime a déjà déposé plainte ou s’apprête à le faire)
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la qualification des violences (selon la victime et selon les juges…)
La difficulté principale est de connaître (ou de supposer) quelle infraction sera retenue par le.la procureur.e ou le.la juge d’instruction saisi.e de la plainte.
En ce qui concerne les mineur.es, il est souvent difficile de prouver un « viol » ou une « agression sexuelle » car il faut démontrer les modes opératoires utilisés par l’agresseur (la violence, la contrainte, la menace ou la surprise). Pour que l’agresseur puisse être jugé, il est fréquent que les juges utilisent l’infraction d’ « atteinte sexuelle sur mineur.e », avec des délais de prescription moins longs jusqu’à récemment.
En ce qui concerne les majeur.es, il est très fréquent que les juges souhaitent correctionnaliser le.s viol.s dénoncé.s par la victime, ce qui a un impact sur les délais de prescription des violences sexuelles subies.
Afin de tester si vous avez compris le calcul à faire, prenons un exemple :
Imaginons que vous êtes née le 10 septembre 1986 et que vous avez été victime d’un viol par un ami de votre père durant l’été 1998 (vous aviez 12 ans et êtes devenue majeure le 10 septembre 2004). Vous souhaitez déposer plainte aujourd’hui.
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Si les juges retiennent qu’il a exercé sur vous une contrainte morale pour vous imposer cet acte, le crime de viol est constitué [et dans le cas où ce viol n’est pas correctionnalisé] : si on se reporte au tableau ci-dessous, vous allez regarder la colonne du tableau « viol sur mineur.es de moins de 15 ans ».
A la date du viol, vous disposiez de 10 ans après votre majorité pour déposer plainte, soit jusqu’au 10 septembre 2014.
Or, en mars 2004, une nouvelle loi a porté ce délai à 20 ans après la majorité, nouveau délai dont vous pouvez bénéficier car votre action n’était pas encore prescrite quand la loi de 2004 a été votée. Vous pouvez alors déposer plainte jusqu’en 2024.
Enfin, une loi d’août 2018 (survenue alors que votre action n’était pas prescrite) a porté ce délai à 30 ans après la majorité. Vous avez désormais jusqu’en 2034 pour intenter (ou relancer) une action pénale.
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Si les juges ne retiennent aucun des modes opératoires du viol, ils vont qualifier ce viol d’ « atteinte sexuelle sur mineur.es ».
Comme il s’agissait d’un ami de votre père et non d’une personne qui détenait une autorité sur vous (tel qu’un éducateur par exemple), c’est la 1ère colonne du tableau qui pourrait s’appliquer.
Or dans ce cas, à la date de « l’atteinte sexuelle », vous ne disposiez que de 3 ans après votre majorité pour déposer plainte, soit jusqu’au 10 septembre 2007.
Le nouveau délai de prescription pour cette infraction est survenu seulement en 2017. Il ne peut donc s’appliquer pour vous aujourd’hui car à la date de son entrée en vigueur, votre action était déjà prescrite depuis 2007.